« Les plus de 50 ans sont 46% à utiliser Internet, les retraités
30%. Et l’outil informatique est en plein boom chez les jeunes retraités » Luc-Aurélien Nory
Nous sommes au beau milieu du papy boom. Les séniors n’ont
jamais été aussi nombreux et ils se modernisent de plus en plus vite. Les
réseaux sociaux les plus utilisés à l’image de Facebook ou de Twitter sont
cependant très peu utilisé par cette tranche d’âge. C’est dans ce créneau qui
était resté inexploité que sont nés les réseaux sociaux pour les seniors.
La perception de l’utilité des objets
techniques : jeunes retraités, réseaux sociaux et adoption des
technologies de communication.
Les objets issus des nouvelles technologies de l’information
et de la communication sont peu utilisés par les personnes âgées. La capacité
d’adaptation est souvent pointée du doigt mais cette « conception
simpliste de l’âge » peut être remise en question de même que
« l’appartenance à une génération ».
L’utilité : un concept complexe
Pour qu’un individu utilise un objet nouveau, il a besoin
d’une motivation particulière. Celle-ci étant souvent le milieu professionnel,
son absence est donc plus souvent présente chez les personnes âgées. La notion
d’utilité est également nécessaire à l’adoption d’un objet nouveau.
Chez la classe d’âge concernée, l’utilité de l’objet n’est
pas toujours évidente. En effet, son utilisation privée peut être perçue comme
superflue, en opposition à une utilisation professionnelle qui relèverait du
besoin. Le niveau d’intérêt provoqué par l’objet en question sur l’individu
joue également un rôle important.
L’importance du « cercle d’utilisateurs »
La question de l’adoption de l’objet doit être considérée
dans un contexte social. En effet, l’entourage des « jeunes
retraités » exerce sur eux une grande influence dans le domaine de la
technologie. Il peut inciter à l’achat ou offrir, apprendre à se servir de
l’objet, intervenir en cas de problème par la suite. La transmission de proche
en proche (hypothèse diffusionniste) est également possible dans la mesure où
un outil comme la messagerie électronique n’est utile que si l’individu à des
« correspondants potentiels ». De plus, voir ses proches utiliser un
objet technique le rend plus attrayant et moins effrayant.
Si connaître des utilisateurs d’objets techniques peut
faciliter l’adoption, cela peut au contraire la limiter. La « circulation
des connaissances » n’est pas automatique. Une relation du type
enseignant-élève doit pouvoir s’installer, sans laquelle cette circulation est
impossible. La réticence peut venir des enfants ou amis qui devraient jouer le
rôle d’enseignant comme du retraité. Le plus souvent, l’enseignement reste très
limité et c’est alors l’assistance qui prime. Il est plus simple et plus rapide
d’intervenir que de former la personne pour qu’elle le fasse elle-même. En
outre, cela évite les tensions possibles et la confusion des rôles entre
parents et enfants, par exemple, qu’un tel type de relation pourrait engendrer.
Chacun reste dans son domaine comme dans le cas d’une famille où le père
bricole pour ses fils et les fils s’occupent du matériel technologique de leur
père.
Technologies et émotions
L’arrivé d’un objet technologique entraîne toujours un
positionnement individuel. Nous ne
restons pas neutres face à l’innovation.
-L’exemple des « enthousiastes »
Autant que le besoin réel, l’enthousiasme est un moteur
déterminant de l’achat. Il peut être provoqué par l’aspect ludique de l’objet,
par sa modernité qui peut être perçue comme un défi à relever par le jeune
retraité. Les « enthousiastes » ne sont pas avares de compliments
envers la technologie à laquelle ils ne trouvent que des avantages. Cette
catégorie de personne est le plus souvent citadine, ou a passé sa vie active
dans une grande ville.
L’émotion est primordiale dans l’adoption, ou non, d’un
objet technique. L’utilité est souvent découverte après l’achat, l’enthousiasme
se révèle être, dans ce cas, la motivation nécessaire à l’achat.
La valeur d’être joignable
L’achat d’un outil de télécommunication est lié avec le
désir de rester en contact avec ses proches. Le nombre de connexions Internet
chez les retraités reste cependant limité. Ils ne sont pas contraints de l’utiliser
dans un milieu professionnel, ne jouent pas aux jeux en ligne par exemple. Ceux
qui ont tenté de faire des recherches par ce biais ont pu être déçus. C’est
encore une fois la volonté de resté en contact avec les enfants qui est la
motivation principale des jeunes retraités pour utiliser l’Internet. Les
relations longue distance illustrent bien cela. Afin de maintenir un lien le
plus fort possible, les personnes âgées investissent dans un ordinateur de
façon à pouvoir recevoir des e-mails accompagnés de photos. De plus, le coût
des appels à l’étranger est élevé.
Le courrier électronique n’est cependant pas utilisé
régulièrement pour la communication avec des personnes qui n’habitent pas loin.
Il est perçu comme étant trop peu personnel et « froid ». Il n’est
utilisé dans ce cadre seulement pour envoyer « des photos ou des recettes
de cuisine » par exemple. Selon Haddon, l’utilisation du courrier
électronique s’élargie lorsque le nombre de connaissances connectées s’agrandie.
Les réseaux sociaux s’adaptent à un
marché de nouveaux utilisateurs : les séniors
Quelques exemples…
BeBoomer
BeBoomer est le premier réseau social européen destiné à des
utilisateurs de 45 ans et plus. Né en octobre 2008, il est engagé auprès d’association
et soutient la classe d’âge visée dans le monde professionnel. Il tente de
rendre accessible aux jeunes séniors les technologies modernes avec notamment
un service de vidéoconférence et une messagerie. BeBoomer permet également à
ses utilisateurs de tenir un blog, « de se rencontrer, participer à des
évènements, tenir un blog personnel, créer des groupes, partager ses
photos/vidéos, devenir rédacteur sur le magazine intégré au site, poster son
CV,… ». Un bon nombre de ces fonctionnalités sont présentes sur le réseau
social Facebook. Cependant, la dimension professionnelle y est plus marquée
avec la possibilité de poster un CV vidéo ou écrit.
Bitwiin
Lancé début avril 2008, Bitwiin est s’adresse à un public de
seniors actifs. Ce réseau social propose, aux séniors d’afficher leurs
compétences et de se mettre à disposition de personnes en ayant besoin.
Véritable site de rencontre professionnelle, il permet aux employeurs-particuliers
potentiels de rechercher un senior compétant dans des domaines qui vont de la
garde d’enfants à l’accompagnement de personnes agées dépendantes.
De plus, bitwiin réunit les séniors en créant des relations
entre ceux qui habitent dans la même région ou partagent les mêmes loisirs.
MyTimeHero
Ce réseau social tente de « se débarrasser » des
jeunes. En effet, l’accès au service est réservé aux plus de 3O ans. Qualifié
de « mature Myspace » par les anglo-saxons, MyTimeHero reprend tous
les principes qui ont fait le succès des réseaux sociaux fréquentés par un
public plus jeune. Le réseau est propice aux rencontres et permet de mettre en
ligne des photos. Il se veut tout de même éloigné des préoccupations des
adolescents et jeunes adultes en se destinant à un public mature, possédant une
véritable expérience de vie.
MICHAEL Eve, ZBIGNIEW Smoreda La perception de l'utilité des objes technique : jeunes retraités, réseaux sociaux et adoption des technologies de communication paru dans "Retraite & Société" n°33/2001, pp. 22-51